Notre cabinet d’avocats reçoit quotidiennement de nombreuses questions de la part des professionnels concernant l’actualité du Covid 19 : congés payés, loyer de local commercial, droit de retrait… Difficile d’obtenir des infos précises dans ce contexte particulier. Nous avons donc souhaité mettre à disposition de nos lecteurs cet article sous forme de questions réponses, à destination des professionnels et employeurs. Nous espérons qu’il vous sera utile.
Puis-je mettre mes salariés en congés payés le temps du ralentissement de mon activité ?
Depuis l’ordonnance du 26 mars 2020, il est désormais possible pour l’employeur d’imposer à son salarié de poser des congés payés en cette période d’épidémie au COVID 19. Toutefois, cette décision est soumise à certaines conditions.
Tout d’abord l’employeur a le choix entre la prise de congés payés, ou la prise de jours de repos (RTT, récupération de journées…).
Concernant la pose de congés payés, si cette solution a fait l’objet d’une négociation dans le cadre d’un accord d’entreprise ou bien d’un accord de branche, et que l’entreprise peut justifier d’une situation économique difficile en raison de l’épidémie au COVID alors l’employeur pourra imposer à ses salariés la prise de congés payés.
La pose de congés payés se fera dans la limite de 6 Jours (ouvrables, ou 5 jours ouvrés) et l’employeur devra informer son salarié 1 jour franc avant le début de la période de congé. Cette décision peut être prise jusqu’au 31 décembre 2020 et reste donc valable pour l’été 2020.
En conséquence l’employeur pourra également modifier les dates d’une partie des congés pris par le salarié, sans respecter le délai de prévenance d’un mois, dans la limite d’un délai de 6 jours.
Enfin l’employeur pourra également imposer à ses salariés la pose de RTT et autres jours de repos dans la limite de 10 jours. Ici l’employeur n’a plus besoin de passer par la négociation pour pouvoir faire usage de cette solution, en revanche il doit respecter un délai de prévenance d’un jour franc. Encore une fois l’entreprise devra justifier d’un intérêt économique à utiliser cette solution au regard des difficultés rencontrées.
Est-ce que je peux m’abstenir de payer le montant du loyer de mon local commercial à mon bailleur en raison de l’épidémie de COVID 19 ?
A la suite des mesures prises pour le confinement et la fermeture de nombreux commerces, Des annonces ont été faites par le Président de la République et le Gouvernement pour les entrepreneurs en difficultés comme la suspension des charges. De nombreux exploitants se sont alors interrogés sur le sort du loyer commercial, celui-ci est-il suspendu ? Peut-on le suspendre le temps de la fermeture d’un local ?
Tout d’abord une mesure concrète peut être cité, il s’agit de l’article 4 de l’ordonnance 2020-316 du 20 mars 2020 qui prévoit que les bénéficiaires du fonds de solidarité ou les entreprises qui poursuivent leurs activités dans le cadre d’une procédure collective ne pourront se voir opposer des pénalités de retard, d’astreinte, ou d’exécution de clauses résolutoires en cas de retard de paiement. Cette mesure permet une suspension du loyer jusqu’à deux mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire. Malgré l’absence de sanctions, les loyers restent dus et devront être soldés.
Dès lors les autres entreprises (qui ne bénéficient pas du fonds de solidarité) devront faire face à leurs échéances. Si votre entreprise se trouve en difficulté pour payer ses échéances, il conviendra de mobiliser les moyens légaux déjà existant.
En cas de litige entre le bailleur et le locataire il est possible de solliciter la bienveillance du juge au regard des circonstances actuelles pour bénéficier éventuellement d’un échelonnement des paiements. En effet, conformément aux dispositions de l’article 1244-1 du code civil, le juge peut ordonner un échelonnement des dettes sur une période de deux ans.
De même que la Force majeure pourra être selon les circonstances, un argument pour justifier le non-paiement du loyer commercial. La force majeure est prévue par l’article 1218 du code civil qui prévoit :
« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. »
La force majeure se justifie par son irrésistibilité, son imprévisibilité et son extériorité. Concernant la fermeture d’un local en raison de l’épidémie au Covid 19, le caractère imprévisible et extérieur ne fait pas débat. En revanche, son irrésistibilité pourra être remise en cause s’il n’est pas justifié que l’entrepreneur n’avait d’autre choix que celui de fermer. Car si le local est toujours disponible, il est toujours accessible et rien n’empêche la fermeture. Il faut donc rester prudent avant de prendre l’initiative de ne pas honorer le loyer d’un local commercial au titre de la force majeure.
Comme l’évoque le gouvernement la prudence invite les entrepreneurs à obtenir l’accord écris du bailleur afin de suspendre temporairement le paiement du loyer. Encore une fois, il convient d’être prudent, car rien n’oblige le bailleur à accepter un report des loyers.
Mon salarié peut-il exercer son droit de retrait ?
Tout salarié peut exercer son droit de retrait face à un danger grave et imminent dans l’entreprise susceptible de mettre sa santé ou son intégrité physique en danger.
Ce principe est prévu par l’article L.4131-1 du code du travail qui dispose :
« Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.
Il peut se retirer d’une telle situation.
L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection. »
La question se pose donc l’épidémie de COVID 19, notamment face à la réouverture prochaine de nombreuses entreprises, où les salariés pourront avoir le sentiment de se sentir exposé au danger du virus et souhaiterait exercer leurs droits de retrait. Cette situation a d’ailleurs déjà été constatée dans plusieurs entreprises.
Pour autant, le droit de retrait ne peut s’exercer aussi facilement. En effet le salarié devra démontrer qu’il existait un danger grave et imminent. Or si l’employeur s’emploie à respecter les recommandations prévues par la législation du droit du travail et les mesures recommandées par le gouvernement dans ces circonstances, le droit de retrait n’est pas Justifié.
En tout état de cause s’il existe un conflit sur la justification ou non de l’usage du droit de retrait, seul le juge sera compétent pour apprécier celui-ci.
Les mesures visant à prévenir de toute contamination, permettent d’éluder le danger, qui est une condition sine qua non de l’usage du droit de retrait.
L’employeur devra lorsqu’ils sont présents dans l’entreprise réunir le CSE, ou bien les délégués du personnel afin de mettre en œuvre si nécessaire des mesures en vue de protéger les salariés, notamment lorsqu’elles portent sur l’organisation du travail et les mesures de sécurités. Cet appel aux représentants du personnel permettra à l’employeur de couvrir sa responsabilité.
Toutes ces questions que se posent actuellement les entrepreneurs peuvent avoir des réponses différentes en fonction des cas et de l’activité de l’entreprise, c’est pourquoi il est important de consulter un professionnel du droit qui saura vous orienter dans la prise de décisions. Le cabinet BOLZAN AVOCATS peut vous accompagner dans ces prises de décisions et vous apporter les réponses et les conseils adaptés à votre situation.