La responsabilité médicale des infirmiers et kiné est un enjeu central dans la relation de soin. En effet, la relation qui unit le professionnel de santé à son patient dans l’acte de soin est un contrat. Cette solution a été clairement dégagée par l’arrêt Mercier du 20 mai 1936 (puis confirmé par l’arrêt Clinique Sainte Croix du 6 mars 1945) :

« Il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant pour le praticien l’engagement, sinon bien évidemment, de guérir le malade, du moins de lui donner des soins, non pas quelconques mais consciencieux, attentifs, et réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science : la violation, même involontaire, de cette obligation contractuelle est sanctionnée par une responsabilité de même nature, également contractuelle ».

Les obligations du professionnel de santé

Il en découle donc un certain nombre d’obligations à la charge du praticien, et le fait de manquer à l’une de ses obligations contractuelles constitue une faute, laquelle expose le professionnel de santé à réparer financièrement les conséquences. C’est pourquoi la souscription d’une assurance ayant pour objet de couvrir la responsabilité professionnelle a été rendue obligatoire par la loi Kouchner.

Afin de déterminer s’il y a ou non une faute de la part du praticien, il faut préalablement identifier quelle est l’obligation qui a été violée.

Obligation de moyens en matière médicale

En matière médicale, l’obligation du soignant vis-à-vis du patient est ce qu’on appelle une obligation de moyens. Le professionnel n’est pas tenu de guérir le patient mais de tout mettre en œuvre pour soigner le patient avec science et conscience, dans le respect des règles de l’art et des connaissances actuelles de la science.

Sa responsabilité ne pourra alors être engagée que s’il n’a pas fait tout ce qui était en son pouvoir pour apporter les soins adaptés, ce qui constitue une faute.

Le principe de responsabilité pour faute est posé par l’article L. 1142-1 du Code de la Santé Publique :

« Hors le cas où leur responsabilité est encourue à raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. »

Les principales fautes engageant la responsabilité médicale

Défaut d’information

« hormis les cas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’être informé, un médecin est tenu de lui donner une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés et n’est pas dispensé de cette obligation par le seul fait qu’un tel risque grave ne se réalise qu’exceptionnellement » (Civ. 1ère., 7 oct. 1998) ou que « l’intervention serait médicalement nécessaire » (Civ. 1ère, 18 juillet 2000, Bull. n° 227). 

L’obligation d’information « pèse aussi bien sur le médecin prescripteur que sur celui qui réalise la prescription » (Civ. 1ère, 14 octobre 1997, Bull. n° 278), IDEL ou KINEL par exemple. Mais l’information ne porte bien sûr que sur les risques connus en l’état des données acquises de la science à la date de l’acte médical (Civ. 1ère, 2 octobre 2002, n° 1426 D) et à la hauteur des compétences du praticien.

Lorsque plusieurs praticiens sont amenés à intervenir, il existe aussi un devoir d’information à l’égard des autres membres de l’équipe. La Cour de cassation a ainsi relevé que « pour décider d’un partage de responsabilité entre un chirurgien et un médecin anesthésiste, une cour d’appel a retenu que les obligations du chirurgien ne pouvaient se limiter aux seuls gestes chirurgicaux dès lors que, suivant depuis plusieurs années son patient, celui-ci se devait d’aviser le médecin anesthésiste des risques que comportait une anesthésie locale » (Civ. 1ère, 28 octobre 1997).

Recueil du consentement du patient

L’obligation d’information « a pour objet de permettre au patient de donner un consentement ou un refus éclairé aux investigations et soins qui lui sont proposés » (Civ. 1ère., 14 oct. 1997 et 20 juin 2000).

L’obtention du consentement éclairé du patient est donc intimement liée à la délivrance d’une information complète et sincère, qui implique également de la part du professionnel le devoir de se renseigner avec précision sur l’état de santé du patient afin d’évaluer les risques encourus (Cass. Civ. 1ère, 5 mars 2015). Réciproquement, le fait pour le patient de délivrer une fausse information exonère le praticien (Cass, 21 février 1967). 

L’acte technique de soin

Le professionnel de santé peut bien sûr engager sa responsabilité au titre de la réalisation d’un acte de soin. Par exemple une infirmière pratiquant l’injection en s’en tenant aux déclarations de la patiente, sans se faire confirmer une prescription par le médecin, commet une faute (CA Paris, 7 avril 1990).

Commet également une faute l’infirmière qui pratique une injection intramusculaire sur un enfant de 7 ans, difficile à soigner en dehors de la présence de sa mère, avec seulement l’aide de sa sœur de 14 ans. En agissant ainsi, l’infirmière « avait pris le risque de ne pouvoir contenir suffisamment une jeune enfant ayant des difficultés à rester calme dans une situation angoissante et douloureuse ». Dès lors, « l’infirmière n’avait pas pris toutes les précautions de nature à éviter tout mouvement de l’enfant pendant l’injection et pour n’être pas parvenue à maîtriser complètement la trajectoire de son aiguille » : (Cass. Civ. 1ère., 6 juin 2000).

Une IDEL peut également engager sa responsabilité en oubliant des points de suture, causant l’infection de la plaie (CA Rennes, 31 mars 2004).

L’engagement de la responsabilité du professionnel de santé expose celui-ci à réparer le préjudice subi par le patient, ce dernier devant prouver la faute (Cass. Civ. 1ère., 4 janvier 2005, Bull. 2005, I, n° 5, p. 4, pourvoi n ° 03-13.579).

La responsabilité médicale des infirmiers et kiné : l’importance du dossier de soins

La charge de la preuve a toutefois été récemment inversée par la Cour de Cassation, qui a exigé d’un médecin qu’il démontre que les soins prodigués à un patient suite à une intervention chirurgicale étaient appropriés et conformes aux recommandations (Cass. Civ. 1ère., 16 oct. 2024, n° 22-23.433 B). Plutôt qu’un revirement de jurisprudence, il apparaît que cette décision était prise en considération du fait que le dossier du patient manquait cruellement d’informations. Ainsi, il était impossible de déterminer si le chirurgien avait réalisé les soins appropriés :

« dans le cas d’une absence ou d’une insuffisance d’informations sur la prise en charge du patient, plaçant celui-ci ou ses ayants droits dans l’impossibilité de s’assurer que les actes de prévention, de diagnostics ou de soins réalisés ont été appropriés, il incombe alors au professionnel de santé d’en rapporter la preuve. »

Cet arrêt a donc le mérite d’attirer l’attention sur l’importance du dossier de soins. Rappelons que la tenue du dossier de soins est prévue pour les IDEL au titre de l’article R. 4312-35 du Code de la Santé Publique :

« L’infirmier établit pour chaque patient un dossier de soins infirmiers concernant les éléments pertinents et actualisés relatifs à la prise en charge et au suivi. »

De façon similaire, le Code de Déontologie des Masseurs-Kinésithérapeutes prévoit en son article R. 4321-91 que :

« Indépendamment du dossier médical personnel prévu par l’article L. 161-36-1 du Code de la Sécurité Sociale, le masseur-kinésithérapeute tient pour chaque patient un dossier qui lui est personnel ; il est confidentiel et comporte les éléments actualisés, nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques. »

Traçabilité et protection des professionnels de santé

En tant que professionnel de santé, il est donc primordial de s’assurer de la traçabilité des soins, mais également de tout élément pouvant justifier les actes menés – ou non – auprès du patient afin de couvrir au mieux sa responsabilité civile professionnelle, voire pénale et disciplinaire.

Que vous soyez professionnel de santé ou patient, le Cabinet Bolzan Avocats vous accompagne en matière de responsabilité médicale. Contactez-nous.