La responsabilité est l’obligation, pour une personne, de répondre de ses actes. Sur le plan professionnel, il s’agit donc de répondre des actes commis dans le cadre de son activité. A proprement parler, il conviendrait plutôt de parler des responsabilités lorsque l’on évoque la responsabilité professionnelle de l’infirmière libérale. Car, dans le cadre de son exercice, l’IDEL peut engager sa responsabilité sur plusieurs plans, qui divergent par leur vocation, leurs fondements et leurs conséquences.
On distingue ainsi la responsabilité civile, pénale et disciplinaire, ces différents types de responsabilités pouvant se cumuler entre eux. Dans le cadre de sa facturation, l’IDEL peut d’ailleurs être poursuivie sur ces trois plans.
La responsabilité civile de l’IDEL
La responsabilité civile consiste à répondre de ses actes lorsqu’ils ont causé un préjudice à autrui. Elle n’a pas vocation à sanctionner l’IDEL, mais à réparer le dommage causé, y compris dans l’hypothèse où aucune faute n’aurait été commise. Elle s’exécute donc pas le versement de dommages et intérêts à la victime principalement. Rappelons que depuis la loi Kouchner du 4 mars 2002, il est obligatoire de souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle (RCP).
La responsabilité civile se subdivise en deux catégories : la responsabilité délictuelle et la responsabilité contractuelle. Comme son nom l’indique, la seconde intervient lorsqu’il existe un contrat entre l’IDEL et la victime, tandis que l’autre règle la situation en l’absence de lien contractuel.
La responsabilité contractuelle a ainsi vocation à réparer le dommage subi en raison de l’inexécution, ou de la mauvaise exécution du contrat par l’IDEL (Article 1231-1 du Code Civil). Il peut s’agir d’un contrat conclu entre IDEL, ou encore entre IDEL et patient, comme l’a établi l’arrêt Mercier du 20 mai 1936 (Confirmé par l’arrêt Clinique Sainte Croix du 6 mars 1945).
A titre d’exemple de ce que l’on appelle plus généralement la responsabilité médicale, l’on peut citer le cas de l’infirmière qui n’utilise pas la bonne aiguille eu égard à la taille et au poids du patient, alors qu’il lui appartient de « prendre toutes les précautions qui s’imposent compte tenu, notamment, de la morphologie du patient et de la nocivité du produit qu’elle injecte » (Civ. 1ère., 4 oct. 1988).
L’IDEL doit donc exécuter ses soins dans les règles de l’art et conformément aux données acquises de la science. Bien que l’IDEL réalise ses soins sur prescription elle ne peut systématiquement se retrancher derrière la prescription du médecin.
En témoigne par exemple la récente affaire soumise au Tribunal Correctionnel de Marseille (24 janvier 2024), dans laquelle une infirmière ainsi qu’un interne en médecine étaient jugés suite au décès d’un patient. Oralement, le médecin prescrit 5 mg de morphine, appuyant son propos en montrant ses cinq doigts. L’infirmière administrait 5 ampoules de morphine, soit 50 mg, entraînant la mort du patient. Le Tribunal relevant « qu’en l’état de ses connaissances et de ses diplômes, elle n’aurait pas dû commettre cette erreur », l’infirmière était condamnée à deux ans de prison avec sursis au titre de sa responsabilité pénale, et à 1.000 € de dommages et intérêts au profit du médecin pour avoir falsifié l’ordonnance rédigée ensuite par celui-ci (en y ajoutant un 0).
Cette décision illustre parfaitement le cumul possible entre les différents types de responsabilité, en l’occurrence civile et pénale.
La responsabilité pénale
En matière pénale, l’objectif est punitif, l’IDEL doit répondre de ses actes devant la société et « payer sa peine ». Il n’est donc pas possible de s’assurer à ce titre, car la sanction n’aurait plus de sens si un tiers pouvait l’assumer à la place du fautif. Les peines prononcées (amendes, emprisonnement…) devront donc être exécutées par l’infirmière ou l’infirmier lui-même.
En matière médicale, on retrouve notamment les infractions de violation du secret professionnel, les atteintes à l’intégrité corporelle ou encore l’homicide involontaire.
C’est ainsi que « viole le secret médical le médecin qui, même s’il n’est pas le médecin habituel d’un patient, révèle à un autre patient les résultats concernant ce dernier bien que soit avec une intention prophylactique » (CE, 4ème SSJS, 17 juin 2015, n°385924).
La jurisprudence a également condamné un infirmier pour homicide involontaire pour avoir injecté du chlorure de potassium à la place de sérum physiologique (Tal Correctionnel de Montbéliard, 15 sept. 2008) ou encore du plasma coagulé (Tal Correctionnel de Lille, 20 janvier 2021).
L’exercice illégal de la profession d’infirmier engage également la responsabilité pénale de l’IDEL (Article L. 4314-4 CSP), étant précisé que celui-ci est notamment constitué par le fait de ne pas être inscrit à l’Ordre Infirmier. Garant de la déontologie, celui-ci va juger de la responsabilité disciplinaire de l’IDEL.
La responsabilité disciplinaire
La responsabilité disciplinaire est engagée lorsque l’on constate un manquement à la déontologie. Elle a une vocation de sanction mais cette fois par ses pairs et non par la société. L’Ordre Infirmier, ayant pour mission de veiller au maintien des principes d’éthique, de moralité, de probité et de compétences indispensables à l’exercice de la profession, la responsabilité disciplinaire lui revient au travers des Chambres Disciplinaires.
La responsabilité disciplinaire de l’IDEL est fondée sur un manquement au Code de Déontologie, et peut être engagée par un autre IDEL, un patient, ou encore l’Ordre lui-même.
L’IDEL peut par exemple être condamnée pour non-confraternité, détournement de patientèle, manquement à la probité, rupture de la continuité des soins… La sanction varie de l’avertissement à l’interdiction temporaire ou définitive d’exercer, sans oublier le blâme.
Là encore, les différents types de responsabilité peuvent se combiner :
- Le détournement de patientèle peut ainsi engager la responsabilité civile de l’IDEL, qui devra indemniser sa consœur de la patientèle détournée, ainsi que sa responsabilité disciplinaire au titre de l’article R. 4312-61 du Code de la Santé Publique ;
- L’homicide involontaire pourra engager la responsabilité pénale de l’infirmière, mais aussi sa responsabilité civile vis-à-vis de la victime, ainsi que sa responsabilité disciplinaire.
La responsabilité de l’IDEL dans le cadre de sa facturation
En obtenant son conventionnement, l’IDEL s’engage à respecter la NGAP. Une facturation non-conforme engage donc sa responsabilité et expose l’IDEL sur le plan civil (procédure d’indu, pénalités financières), pénal (escroquerie, faux et usage de faux) et disciplinaire (abus professionnel), l’action étant au choix de la Caisse d’Assurance Maladie.
Civilement, la CPAM adresse à l’IDEL une notification d’indu aux fins de réclamer les sommes qu’elle estime avoir versé à tort, celle-ci pouvant précéder une notification de pénalités financières par le directeur de la caisse. L’indu devra alors être contesté devant la Commission de Recours Amiable, puis devant le Tribunal Judiciaire. La pénalité est quant à elle contestée directement devant le Tribunal Judiciaire, bien que l’IDEL puisse intervenir préalablement à la notification, devant la Commission des Pénalités.
ATTENTION, la contestation de l’indu n’emporte pas celle de la pénalité. En pratique il est donc primordial de contester les deux !
Dans le cadre de la procédure civile, l’IDEL est exposée à une condamnation au paiement de l’indu, ainsi que de l’éventuelle pénalité. Pour y échapper, il est important de démontrer le bien-fondé de la facturation, mais également de soulever toutes les irrégularités de procédure permettant d’aboutir à l’annulation pure et simple de l’indu !
Pénalement, l’IDEL peut être poursuivie devant le Tribunal Correctionnel, principalement pour escroquerie (Articles 313-1 et 2 du Code Pénal), ou faux et usage de faux (Article 441-1 al. 2 du Code Pénal).
En pratique l’escroquerie sera souvent soulevée au titre d’actes prétendument fictifs, par exemple des AIS3 comptabilisés en surnombre (2 AIS 3 alors que l’IDEL est restée moins de 30 minutes, passages certains jours alors que non venues…). La condamnation peut aller jusqu’à sept ans d’emprisonnement et 750.000 € d’amende, voire 10 ans et 1.000.000 € d’amende lorsque l’escroquerie est commise en bande organisée, par exemple par tous les membres du même cabinet.
Le faux et usage de faux recouvre généralement les situations dans lesquelles il sera reproché à l’IDEL un ajout de mentions sur l’ordonnance (type « dimanches et jours fériés, dates…etc). La peine ici est de 3 ans d’emprisonnement et 45.000 € d’amende.
Mais, à la différence de la procédure civile, une condamnation pénale ne peut être prononcée que s’il est démontré que l’IDEL avait une intention frauduleuse. C’est pourquoi, au-delà de la justification de sa facturation, il est primordial de démontrer que l’IDEL ne nourrissait aucunement l’intention de frauder !
Enfin, sur le plan disciplinaire, l’IDEL sera poursuivi devant la Section des Assurances Sociales, formation spéciale de la Chambre Disciplinaire pour abus de cotation (Article R. 4312-81 du Code de la Santé Publique) ou abus professionnel (Article L. 145-5-1 du Code de la Sécurité Sociale). La sanction sera alors hybride et consistera à la fois en la condamnation au paiement de l’indu, mais également à une peine disciplinaire.
L’abus professionnel, ou abus d’honoraires se définit comme « un acte facturé sans avoir jamais été réalisé, pour un acte surcoté, pour un acte réalisé dans des conditions telles qu’alors même qu’il a été effectivement pratiqué, il équivaut à une absence de soins, ou encore ceux dont le montant est établi sans tact ni mesure » (CE, 8/11/2017, n° 398480). Il s’agira principalement d’actes fictifs.
Que votre responsabilité professionnelle soit engagée par un patient (rupture de la continuité des soins, erreur médicale…), par un confrère (non-respect du contrat, détournement de patientèle, non-confraternité…) ou encore par la CPAM (indu, pénalités financières, escroquerie à l’assurance maladie…), le Cabinet Bolzan Avocats, spécialisé dans l’accompagnement des IDEL, vous assiste afin de faire valoir vos droits, et vous défend partout en France.
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