Non sans émoi, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a ouvert la faculté à l’assurance maladie de réclamer aux professionnels de santé un indu de facturation évalué forfaitairement, dit « indu par extrapolation ».

Qu’est-ce que l’évaluation de l’indu par extrapolation ?

La procédure en répétition d’indu est fondée sur l’article L. 133-4 du Code de la Sécurité Sociale. Il s’agit du fameux article visé en-tête de la lettre de notification d’indu adressée à l’IDEL et dans laquelle est réclamé le montant de l’indu. A ce courrier est joint un tableau synthétique mentionnant, patient par patient et cotation par cotation, les sommes réclamées au professionnel de santé.

L’article 102 de la Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2023 ajoute à l’article L. 133-4 un II permettant, « lorsque l’inobservation des règles de tarification, de distribution ou de facturation est révélée par l’analyse d’une partie de l’activité du professionnel, que l’indu soit fixé forfaitairement, par extrapolation à tout ou partie de l’activité donnant lieu à prise en charge de l’assurance maladie, à l’issue d’une procédure contradictoire entre le professionnel et l’organisme d’assurance maladie chargé du recouvrement ».

En d’autres termes, à partir d’un échantillon de factures, l’assurance maladie pourra établir l’indu réclamé à l’IDEL sans avoir à mener une vérification patient par patient sur l’ensemble de la période de contrôle (conformément à l’article L. 133-4 du Code de la Sécurité Sociale, l’action en recouvrement se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date de paiement de la somme indue).

La « procédure contradictoire » : protection efficace du professionnel de santé contrôlé ?

Le seul garde-fou évoqué par le texte consiste en la référence à une « procédure contradictoire » entre l’organisme d’assurance maladie et le professionnel de santé.

Une procédure contradictoire suppose que le professionnel de santé soit mis à même de prendre connaissance de l’ensemble des éléments retenus à son encontre, d’en débattre et de se défendre. En pratique à l’heure actuelle, la communication au professionnel de santé du tableau synthétisant l’indu est considérée comme suffisante, et ce y compris lorsque d’autres éléments ont été pris en compte dans le contrôle (auditions de patients par exemple). A l’aune d’une évaluation par extrapolation, c’est-à-dire ôtée de toute analyse de documents au profit d’une fixation forfaitaire projetée, on peut donc légitimement se demander quels éléments seraient accessibles au professionnel de santé dans cette « phase contradictoire » préalable censée lui permettre de se défendre…

L’indu par extrapolation, une véritable nouveauté ?

En dehors du champ de l’article L. 133-4 du Code de la Sécurité Sociale, l’Assurance Maladie peut réclamer le montant de l’indu en qualité de partie civile à une procédure pénale. C’est dans ce cadre que l’extrapolation a déjà eu l’occasion de s’inviter en matière d’indu, et ce bien avant la LFSS 2023.

En tant que partie civile, l’Assurance Maladie va réclamer la réparation du dommage dont elle a été victime, en engageant la responsabilité civile de l’IDEL (dans ce cas, l’Assurance Maladie agit sur le fondement de l’article 1240 du Code Civil (anciennement 1382) et non celui de l’article L. 133-4 du Code de la Sécurité Sociale), poursuivie quant à elle par le Ministère Public, généralement pour escroquerie.

Le principe de l’indemnisation en matière de responsabilité civile est dit de réparation intégrale : « le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage, et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit » (Cass. 2ème Civ, 28 octobre 1954).

C’est pourtant en se fondant sur la responsabilité civile, à l’occasion de procédures pénales dans lesquelles elle intervenait en qualité de partie civile, que la CPAM a eu l’occasion d’établir son préjudice par extrapolation.

En appel, l’IDEL était condamnée pour escroquerie, mais la CPAM était déboutée de ses demandes indemnitaires car les Cours d’Appels estimaient que le mode de calcul du préjudice réclamé avait un caractère hypothétique, contraire donc au principe de réparation intégrale. Pourtant, elles seront censurées par la Cour de Cassation qui considérait qu’il leur appartenait de rechercher l’étendue du préjudice pour le réparer dans une plus juste mesure (Cass. Crim. 10 déc. 2013, F-P+B, n° 13-80.954 ; Cass. Crim., 24 mars 2015, 14-81.224).

Il s’agit toutefois d’hypothèses marginales, et dont la portée demeure à relativiser. En revanche, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 offre désormais un bel avenir au recouvrement de l’indu par extrapolation.

L’indu par extrapolation, quel avenir ?

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a été adoptée sans vote le 2 décembre 2022, suite au recours par le Gouvernement à l’article 49.3 de la Constitution.

Désormais, les CPAM seront donc en mesure de procéder au recouvrement des indus par extrapolation, dans les conditions prévues par l’article L. 133-4 du Code de la Sécurité Sociale.

Pour rappel, la contestation des indus est portée en premier lieu devant la Commission de Recours Amiable, dans les deux mois suivants la réception de la notification d’indu. Puis, c’est le Pôle Social du Tribunal Judiciaire qui est compétent pour connaître de la contestation en cas de rejet.

Au regard de la technicité des procédures, de la multiplicité des arguments pouvant être soulevés, et des moyens de plus en plus vastes offerts à l’assurance maladie, être conseillé le plus tôt possible est vivement conseillé.

Le Cabinet Bolzan Avocats vous propose un accompagnement spécialisé et dispose d’un département spécifiquement dédié à la NGAP et au contentieux de l’indu afin de vous assister dès les premières réclamations, et avant même la saisine de la CRA si besoin. Nos avocats vous représentent devant l’ensemble des juridictions françaises (Pôle Social du Tribunal Judiciaire, Cour d’Appel, Tribunal Correctionnel, Section des Assurances Sociales) en matière de fraude à la CPAM, escroquerie à l’assurance maladie, retenues d’honoraires, pénalités financières

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