En 2023, la CPAM annonçait avoir détecté et stoppé un montant de fraudes de 466 millions d’euros, dont 70 % (soit 330,2 millions d’euros) résulterait de fraudes commises par des professionnels de santé.
Au nombre de ceux-ci, les IDEL occuperaient la troisième place, avec un préjudice estimé à 50 millions d’euros, tandis que les kinés n’occupent que la 10ème place, pour un préjudice de 10 millions d’euros.
Affichant la volonté de « poursuivre la dynamique engagée », un objectif de 2,4 milliards d’euros est défini pour la période 2024 – 2027. Pour y parvenir, les armes à disposition de l’assurance maladie se font de plus en plus nombreuses, et se veulent toujours plus dissuasives. Au-delà du seul recouvrement de l’indu, les professionnels de santé libéraux sont ainsi la cible d’un panel de sanction spécifiques.
La pénalité financière
A l’occasion de la détection d’un indu, le professionnel de santé contrôlé peut se voir appliquer – en sus du remboursement de l’indu – une pénalité financière sur le fondement de l’article L. 114-17-1 du Code de la Sécurité Sociale.
Au terme de cette disposition, tout professionnel ayant fait l’objet d’un contrôle de facturation peut se voir appliquer une pénalité en plus du montant réclamé comme indu par la CPAM. Cette pénalité peut s’élever à 70 % du montant de l’indu, voire doublé si le professionnel de santé se trouve en état de récidive. Et, si une fraude est reprochée au professionnel de santé, la pénalité peut aller jusqu’à 300 % de l’indu !
La procédure de pénalité financière est généralement mise en œuvre concomitamment à celle en recouvrement d’indu. Mais, s’agissant de procédures distinctes, il est primordial de contester d’une part l’indu réclamé, et d’autre part la pénalité infligée, la contestation de l’un n’emportant pas nécessairement celle de l’autre.
Chaque contestation obéit à des règles propres. L’indu se conteste tout d’abord devant la Commission de Recours Amiable, la décision de celle-ci pouvant ensuite être contestée devant le Pôle Social du Tribunal Judiciaire. La pénalité est quant à elle notifiée par le Directeur de la CPAM au professionnel de santé, éventuellement après avis de la Commission des Pénalités. La décision du Directeur est alors directement contestable devant le Pôle Social du Tribunal Judiciaire.
La pénalité étant fondée sur l’existence et le montant de l’indu lui-même, il apparaît totalement illogique de pouvoir l’appliquer alors que l’indu est contesté. C’est d’ailleurs en ce sens que la Cour de Cassation avait estimé que la contestation de l’indu faisait obstacle à la fixation d’une pénalité puisque « Les sommes dues étant contestées, la pénalité ne pouvait être établie ni dans son principe, ni dans son montant » (Cass. Civ. 2ème., 17 sept. 2015, n° 14-22359).
S’il est aujourd’hui acquis en jurisprudence que les deux procédures peuvent être mises en œuvre parallèlement, il n’en demeure pas moins que « l’application de la pénalité financière est subordonnée au bien-fondé de l’indu servant de fondement à son prononcé ».
Il devient ainsi d’autant plus primordial de contester l’indu et la pénalité, afin de ne pas se voir infliger une pénalité sur un indu non établi, et de soumettre le tout à l’appréciation du Juge Judiciaire qui a pour mission de de vérifier la matérialité, la qualification et la gravité des faits, ainsi que l’adéquation du montant de la pénalité à l’importance de l’infraction. Dans ce travail d’appréciation, la jurisprudence impose à la caisse de prouver la mauvaise foi du professionnel de santé. La démonstration de sa bonne foi par l’IDEL ou le KINEL permettra a contrario de faire échec à l’application d’une pénalité.
Le déconventionnement d’urgence
Le déconventionnement d’urgence est issu du Décret n°2020-1465 du 27 novembre 2020, codifié à l’article L. 162-54-10 du Code de la Sécurité Sociale. Cette procédure permet au Directeur de la caisse de placer un professionnel de santé hors convention en cas de « violation particulièrement grave des engagements conventionnels d’un professionnel de santé », ou lorsqu’il en résulte un préjudice financier pour la CPAM.
Le déconventionnement est notifié au professionnel de santé par le Directeur de la CPAM. Le professionnel de santé dispose alors d’un délai de 8 jours pour demander à être entendu, le délai ne pouvant excéder 15 jours. Il peut également présenter des observations écrites.
Si le Directeur maintient sa décision de déconventionnement, celui-ci est alors effectif même si aucun indu n’est alors établi. En revanche, le déconventionnement d’urgence demeure une mesure provisoire, dont la durée ne peut excéder 3 mois. En cas de récidive, cette mesure peut aller jusqu’à 5 ans, et être prononcée d’office.
Le déconventionnement d’office
Créé par le Décret n°2023-1316 du 27 décembre 2023, le déconventionnement d’office est une mesure venant sanctionner la récidive. L’article L. 162-54-10 du Code de la Santé prévoit que :
Lorsqu’un professionnel de santé fait l’objet, pour la seconde fois sur une période de cinq ans, d’une pénalité ou d’une condamnation devenue définitive pour des faits à caractère frauduleux ayant occasionné un préjudice financier au moins égal à huit fois le plafond mensuel de la sécurité sociale au détriment d’un organisme d’assurance maladie, la caisse primaire d’assurance maladie place d’office le professionnel hors de la convention après l’avoir mis à même de présenter ses observations.
Le déconventionnement d’office peut donc intervenir lorsque le professionnel de santé a déjà fait l’objet, dans les 5 ans, d’une pénalité financière (article L. 114-17-1 du CSS) ou d’une condamnation pénale ou disciplinaire pour fraude à la CPAM. Contrairement au déconventionnement d’urgence, il s’agit d’une sanction qui peut aller jusqu’à 5 ans.
Suite à la notification, le professionnel dispose d’un délai d’un mos pour présenter ses observations, par écrit ou oralement lors d’une audition qui doit être organisée dans les 45 jours.
Le texte évoque des « faits à caractère frauduleux ayant occasionné un préjudice financier », terme imprécis qui permet manifestement d’englober nombre de situations, le seuil d’application étant de surcroît de l’ordre de 30.000 €, somme aisément atteinte en matière d’indu… La procédure de déconventionnement d’office peut donc trouver à s’appliquer de manière assez vaste aux professionnels de santé libéraux.
Cela engage de plus fort à contester toute pénalité qui pourrait être réclamée, afin de limiter les conséquences d’une éventuelle récidive. Il est bon de rappeler à cet égard, qu’une pénalité – tout comme un indu – ne se conteste pas uniquement sur les cotations, mais également sur le déroulement de la procédure (nullité de la notification, annulation du contrôle…). Les moyens de défense sont nombreux, et méritent d’être soulevés !
L’indemnisation des frais de gestion
L’article L 133-4 du Code de la Sécurité Sociale constitue le socle de la procédure en répétition de l’indu. C’est sur cette disposition que se base la caisse d’assurance maladie pour réclamer le remboursement des sommes qu’elle estime avoir réglées à tort au professionnel de santé (IDEL, Kiné…).
Cette procédure est également le point de départ des procédures listées ci-avant, avec lesquelles elle se cumule.
Dans le cas spécifique de la fraude, la procédure d’indu prévoit deux spécificités.
Tout d’abord, le délai de prescription qui est allongé à 5 ans à compter de la date de paiement de la somme indue. De ce point de vue, contester la fraude à la CPAM peut permettre de réduire l’indu ne serait-ce que par le jeu de la prescription qui, hors fraude, est limité à 3 ans.
D’autre part, le texte prévoit une indemnisation des frais de gestion que la CPAM a dû mettre en œuvre à hauteur de 10% de l’indu, ce qui peut s’avérer particulièrement lourd, et cela d’autant plus que l’indu peut être fixé par extrapolation, c’est-à-dire de façon forfaitaire (article L. 133-4, II du CSS). Cette indemnité est réclamée dès le stade de la notification d’indu au professionnel de santé contrôlé.
Idels et kinés accusés de fraude à la CPAM : faites-vous accompagner par des avocats spécialisés
A objectif croissant, panel de mesures croissant. Au regard de la politique de lutte contre la fraude mise en œuvre par la CPAM, contester un indu devient incontournable. La technicité de la matière et les procédures multiples rendent tout aussi incontournables pour le professionnel de santé d’être accompagné.
Spécialisé dans le traitement des problématiques des IDEL, Masseurs-kinésithérapeutes et professionnels de santé libéraux, le Cabinet Bolzan Avocats vous conseille et vous assiste dès l’enclenchement de la procédure de contrôle. Aguerris à ce type de contentieux, les membres de notre équipe s’attachent à soulever les irrégularités de procédure, mais également les cotations, tous disposant de formations certifiées en matière de NGAP. Contactez-nous.