L’exercice en groupe étant aujourd’hui quasiment incontournable, le local abritant le cabinet infirmier sera bien souvent partagé par plusieurs IDEL, qui en partageront les frais.

Rappelons que l’article R. 4312-75 du Code de la Santé Publique interdit l’exercice forain de la profession d’infirmier. Ainsi, lorsque l’IDEL n’est pas propriétaire de son local, il se devra de louer un cabinet adapté.  

Cette situation suppose alors de bien choisir le bail qui sera signé.

Les différents types de baux

Les infirmiers libéraux peuvent principalement opter pour deux types de baux :

Le bail commercial

Le bail commercial est appelé communément  » bail 3 – 6 – 9″ en raison de sa durée de 9 ans, et du fait qu’il ne peut être rompu par le locataire que tous les 3 ans. Le locataire est donc engagé, à compter de la signature, pour une durée minimum de 3 ans. 

Bien que l’article R. 4312-76 prohibe l’exercice de la profession d’infirmier comme un commerce, et que l’article R. 4312-77 interdise à l’IDEL de s’installer « dans un local commercial et dans tout local où sont mis en vente des médicaments ou des appareils ou produits ayant un rapport avec son activité professionnelle », un(e) IDEL peut parfaitement signer un bail commercial, qui détermine le régime applicable à la location, mais n’implique pas nécessairement d’exercer son activité professionnelle sous une forme commerciale.

Il est toutefois à noter que les conditions de rupture du bail sont très strictes, et supposent un scrupuleux respect des délais. Ainsi, si le locataire ne rompt pas le bail 6 mois au moins avant l’échéance triennale, il ne lui sera plus possible de le rompre avant la fin des 3 années suivantes. Quand bien même le locataire quitterait les locaux avant la fin de cette période de 3 ans, il demeurera alors tenu de payer au bailleur le montant total des loyers à courir jusqu’à la fin des 3 ans, le tout en une seule fois.

Exemple : L’IDEL conclut un bail commercial le 1er janvier 2019. La première période triennale expire le 1er janvier 2022 et elle demeurera donc engagée jusqu’à cette date (donc payer les loyers).

En revanche, le propriétaire ne peut pour sa part rompre le bail que tous les 3 ans (article L 145-4 du Code de Commerce), mais devra justifier d’un motif spécifique, à savoir : 

  • La construction, reconstruction ou surélévation de l’immeuble existant
  • La reprise d’un local d’habitation loué accessoirement au local commercial et non affecté à l’usage d’habitation 
  • La reprise d’une partie de terrain lorsque le bailleur a obtenu un permis de construire une habitation 
  • La transformation à usage d’habitation d’un immeuble existant 
  • L’exécution de travaux prescrits ou autorisés dans une opération de restauration immobilière

 Le bailleur pourra également être tenu d’indemniser le locataire. 

Le régime du bail commercial est donc assez strict, mais peut s’avérer opportun s’il s’agit de sécuriser le locataire.

Le bail professionnel

Le bail professionnel est moins rigide pour le ou les locataires, en ce qu’il leur permet de le résilier à tout moment, à la seule condition de respecter un préavis de 6 mois. En revanche, le bailleur ne peut rompre le bail avant 6 ans, ce qui reste protecteur pour le locataire.

Il est également possible de n’opter pour aucun de ces deux statuts spécifiques, en rédigeant son propre bail dit « de droit commun », lequel devra alors seulement répondre aux dispositions générales des articles 1713 et suivants du Code Civil, ce qui, dans certaines hypothèses, se présente comme la meilleure solution.

Une fois choisi le type de bail, il convient de définir qui en sera le signataire.

Le choix de la colocation

Les IDEL peuvent faire le choix de tous signer en nom propre le même bail, devenant ainsi colocataires de leur local professionnel.

Cette solution a l’avantage de sécuriser chaque infirmier, qui ne pourra être « mis à la porte » par un ou ses collègues puisqu’il bénéficiera d’un droit d’occupation personnel, et pourra donc, même en cas de conflit, continuer à utiliser le cabinet.

Inversement, si vous ne souhaitez plus travailler avec l’un des infirmiers du cabinet, il vous faudra prévoir très clairement la question du bail et d’une éventuelle clause de non-concurrence dans votre contrat d’exercice, au risque de devoir continuer à cohabiter même après la séparation de vos activités et un éventuel partage de la patientèle.

La colocation présente néanmoins un inconvénient de taille, à savoir la solidarité entre les locataires. La solidarité implique que le défaut de paiement du loyer et charges par un ou plusieurs des colocataires engage le ou les locataires restants. Ainsi si votre ou vos collègues cessent de payer le loyer, le bailleur pourra recouvrer les loyers de retards et les indemnités directement et en totalité sur vous !

La constitution d’une société, seule titulaire du bail de votre cabinet infirmier

Les membres du cabinet peuvent également choisir de créer une société, laquelle signera le bail. C’est alors la société qui en sera titulaire, et les infirmiers tiendront leur droit d’occupation de leur qualité d’associé.

Plusieurs formes de société peuvent être constituées : SELARL, SCP, SCM…

Cette solution a l’avantage de sécuriser les infirmiers sur l’occupation du cabinet, sans pour autant les enfermer dans une solidarité financière.

Pour autant, il est important de bien connaître ses possibilités juridiques. 

Tant le bail commercial que le bail professionnel répondent à des règles impératives, et certaines conditions (par exemple la durée de location) ne peuvent être déterminées au grè du locataire ou du propriétaire, même en cas d’accord mutuel. Il s’agit de règles dites « d’ordre public », auquel il est formellement interdit de déroger.

La jurisprudence apporte elle aussi ses limites, et par exemple dans une décision du 10 mars 2011 la Cour d’Appel de Versailles a décidé qu’une SCM ne pouvait signer un bail professionnel, celle-ci n’ayant pas d’activité professionnelle (car étant seulement une société de partage de frais mais n’exerçant pas d’activité professionnelle propre). Si cette décision peut à notre sens être relativisée, il n’en demeure pas moins que la signature d’un bail nécessite une analyse juridique préalable et pointilleuse.

Afin d’éviter les mauvaises surprises, il est donc important de bien choisir le type de bail, et la forme sous laquelle il sera conclu. Le cabinet BOLZAN Avocats, spécialisé des professionnels de santé, vous assiste et vous conseille dans le choix et la rédaction du bail de votre local professionnel.